Qui me demandait si je regrettait d'avoir planté les mines d'asphalte pour reprendre ce bistrot ?
La réponse est non ! C'est vrai, c'était un pari risqué, surtout en voyant l'emplacement du troquet, dans le quartier de la ville où il y a le plus d'établissement public... Et en voyant les horaires à assurer, depuis 7h00 le matin jusqu'à 22h00 les jours où il n'y a pas de monde...
C'est vrai, au début je l'ai roté. La clientèle a quand même mis un certain temps avant de retrouver ses marques, et de prendre ses habitudes. J'ai dû quand même pas mal lutter pour éviter que mes toilettes deviennent le rendez-vous de tous les marginaux du quartier...
Mais globalement, je peux être content. A force de vider les dealers, de surprendre les *amoureux* en plein ébats plus ou moins tarifés, et de systématiquement offrir un café corsé à tous ceux qui ne sont plus en état de conduire, le message est passé.
C'est grâce à cette discipline que les mamy et leurs sacs à commissions se sentent en sécurité pour venir boire leur café ou leur galopin tout en se racontant les cancans de leur immeuble. Les ouvriers aussi ont pris l'habitude de profiter du menu du jour (simple, traditionnel et bon marché) à midi, et l'apéro le soir en sortant du boulot...
Bien sûr, il y a des jours plus fastes que d'autres... et des heures l'après-midi où on est bien content que Jules passe avec ses copains pour faire un chibre... ça passe bien le temps.
Mais dans l'ensemble, *Aux 30 Glorieuses* est une affaire qui roule, et qui peut se permettre de payer une employée pour faire l'ouverture jusqu'après le diner.
Evidemment, je n'allais pas chercher ailleurs, puisque Caroline s'était proposée pour la place.
Son ancien patron n'a pas été aussi entousiaste que moi, quand elle a donné son congé. A vrai dire, il a fait bien des histoires, et tout son possible pour retarder son départ. C'est pour ça qu'elle a dû attendre le 1er mai pour enfiler le joli chemisier blanc, la jupe noire, et son petit tablier vichy rose à volants...
Comme elle connaît déjà le métier, elle a été opérationnelle dès le premier jour. Et c'est pour ça que depuis mercredi, je fais la grasse matinée ! Caro fait l'ouverture, et s'occupe des clients jusqu'après le repas, et j'arrive pour réchauffer le dîner préparé la veille, et remplir les assiettes... Pour l'instant, on forme une équipe formidable ! Elle est contente de pouvoir passer l'après-midi à pouponner son Anaïs, et moi je suis en pleine forme jusqu'à la fermeture... Et même Becca se réjoui d'avoir plus de temps libre... Oui, tout le monde a l'air enchanté de la situation... Pourvu que ça dure !
En tous cas, je peux vous dire une chose : Qu'est-ce que ça fait du bien, de ne plus avoir à se lever à 5h30 !