Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Bienvenue à la Croix-Bleue !

Sur le petit écran, nous étions des héros sans peur et sans reproches, des aventuriers dotés d'aptitudes extraordinaires... C'était cela l'important pour le public, la raison pour laquelle il nous admirait. Mais hors des projecteurs, nous étions simplement des hommes... avec nos fêlures, notre besoin d'une une vie *normale*, notre envie de fonder une famille. Tout -et plus encore- ce que nous a apporté la *Croix-Bleue*, et qu'on aimerait partager avec vous.

Ibrahim, ou le récit d'un miracle.

Publié le 29 Novembre 2010 par MarIe in origine médiatique

Capture-don.png

Tu es dans mon coeur comme le sang dans mes veine 

"Ton histoire Ibrahim, c'est à toi seul que je la raconte. Cela m'a été difficile. Les mots me semblent toujours trop pauvres. Surtout quand il s'agit de décrire un instant qui contient tant de joie, de promesse, de vie...

C'est indicible, c'est comme la naissance des enfants. Le monde et la terre résumés en une pulsation.

C'est pourtant vrai aussi, qu'en sortant de la clinique ce jour-là, j'avais envie que toi, Terre des hommes, les donateurs, nos camarades du Liban, la terre entière (la terre des hommes), vous sachiez que de pareils miracles existent - et que c'est ce qui compte par-dessus tout.

Ibrahim a 14 ans. Pendant la guerre, au Liban, un éclat d'obus l'atteint au côté, dans la poitrine à quelques centimètres du coeur, et se niche dans le creux de l'épaule gauche, perforant le poumon et déchiquetant tout ce qui faisait vivre son bras.

Au Liban, Ibrahim est opéré quatre fois. Il est vivant, mais son bras gauche est tout blanc, tout mort.

Grâce à la fraternité des hommes et aux médecins qui ont accepté de tenter, bénévolement, une opération très compliquée pour un résultat aléatoire, Ibrahim se retrouve à la policlinique chirurgicale, à Lausanne. Tous veulent la même chose : que revive le bras d'Ibrahim.

Je parle arabe, Ibrahim se débrouille en anglais, il est timide.

Le premier décembre, on l'opère.

La veille, j'explique à Ibrahim, en arabe, ce qui va se passer le lendemain et les jours qui suivent : l'opération sera longue, et les premiers indices de succès encore plus longs à se manifester : trois à quatre mois. En bon oriental, Ibrahim s'en remet à Dieu. En riant, je lui suggère de faire aussi confiance aux médecins qui vont l'opérer, et à sa volonté de guérir. Il rit aussi, mais approuve.

Vingt-quatre heure après l'opération, Ibrahim a visiblement très mal.

Ibrahim, ta souffrance me fait mal. Mais parce qu'elle est porteuse d'espérance et de vie, cette souffrance-là je l'accepte et je la bénis.

Puis la douleur s'atténue petit à petit, puis disparaît. Ibrahim peut partir quelques jours à Massongex, où se trouve la Maison des enfants de Terre des hommes.

La veille de son départ, je lui demande -sans trop d'illusion- s'il commence à ressentir quelque chose dans son bras. Il m'apprend alors que sa main fourmille.

- Et tu ne l'as pas dit aux médecins ?

- Non, avoue-t-il. Je ne sais pas comment le dire en anglais.

Je retrouve Ibrahim à la policlinique, à Lausanne, pour le dernier contrôle, le 12 janvier.

Alors que l'infirmière s'occupe de son pansement, je lui signale que la main gauche d'Ibrahim fourmille.

- Est-ce que c'est bon signe ?

Oh oui ! Mais elle semble sceptique : ce n'est pas possible, c'est trop tôt. J'ai peut-être mal compris. Et nous demandons à Ibrahim d'expliquer exactement ce qu'il ressent.

- Des fourmillements dans la main et des élancements dans le bras.

... Alors !

L'infirmière prend le poignet d'Ibrahim, et cherche. Mais quoi ?

Au bout de quelques instants, elle s'écrie : "J'ai son pouls !... C'est formidable !... Il n'en avait pas, en arrivant en Suisse !..."

Elle sort l'annoncer aux médecins qui ont opéré Ibrahim, et elle revient avec l'un d'eux qui, manifestement, ne semble pas vouloir trop y croire non plus.

Après avoir senti les pulsations d'Ibrahim avec ses doigts, il apporte un appareil qui va confirmer la présence du pouls, en amplifiant le bruit des pulsations quand il les aura trouvées.

Commencent alors de longues minutes. Cinq, quinze, vingt, je ne sais plus. Une éternité...

Le médecin promène l'appareil sur le poignet d'Ibrahim, mais ce maudit appareil ne crache que des grincements, des sons inhumains.

J'en veux au médecin, de faire confiance à l'appareil plus qu'à lui-même. Il l'a senti, pourtant, ce pouls, tout à l'heure. Et l'infirmière aussi. Alors, qu'est-ce qu'ils cherchent ?

Mais je comprends lorsque l'infirmière, en prenant le relais des recherches, dit au médecin :

- Vous pensez que c'était nos propres pulsations, tout à l'heure ?

Je me mets à avoir peur. Je voudrais que le temps s'arrête, pour qu'ils n'abandonnent pas trop vite.

Je prie : "Mon Dieu, faites qu'ils le trouvent, ce pouls !" Je m'énerve : "Je ne vous demande rien d'extraordinaire, mon Dieu, jute un pouls !"

... Juste un pouls que l'on entend tout à coup. Toc... toc... toc...

Rien d'extraordinaire ? Alors pourquoi j'arrive mal à retenir mes larmes ?

C'est le coeur d'Ibrahim qui bat dans son bras ! C'est le bruit le plus fantastique que j'aie jamais entendu !

Je suis fascinée par le médecin et son émotion pudique, merveilleusement modeste.

Il se penche vers Ibrahim et lui dit doucement : "Do you hear, Ibrahim ? This is your artery. Nothing was earned before." Rien n'était gagné avant, Ibrahim

Mais toi seul, Ibrahim, tu sembles échapper à cette émotion que nous partageons tous les trois.

Et ce n'est que justice, après tout. Tu étais venu pour cela."

Tiré du livre d'EDMOND KAISER

fondateur de TERRE DES HOMMES

*LA MARCHE AUX ENFANTS*

éditions Pierre Marcel FAVRE

Commenter cet article
S
<br /> Ce récit me bouleverse toujours autant !<br /> <br /> Et quel chemin parcouru depuis tes 18 ans, quand tu ne quittais jamais ton t'shirt, même pour te baigner au lac. Ça fait tellement plaisir de voir comme tu as accepté tout ça.<br /> <br /> Je t'embrasse...<br /> <br /> <br />
Répondre
I
<br /> <br /> Merci Suzanne, moi aussi je t'embrasse.<br /> <br /> <br /> Il n'y a rien de mieux que le mariage et la paternité pour donner une autre perception de la vie.<br /> <br /> <br /> A tout bientôt...salutations à Rudy<br /> <br /> <br /> <br />