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Bienvenue à la Croix-Bleue !

Sur le petit écran, nous étions des héros sans peur et sans reproches, des aventuriers dotés d'aptitudes extraordinaires... C'était cela l'important pour le public, la raison pour laquelle il nous admirait. Mais hors des projecteurs, nous étions simplement des hommes... avec nos fêlures, notre besoin d'une une vie *normale*, notre envie de fonder une famille. Tout -et plus encore- ce que nous a apporté la *Croix-Bleue*, et qu'on aimerait partager avec vous.

Avis des adoptés

Publié le 23 Mai 2009 par Abel in Souvenirs

Bon, comme Roberto n'est pas là, je vais m'y coller encore une fois. Et d'ailleurs, je suis certain que même s'il avait été à côté de moi, il aurait dit avec son sens inné de la poésie :

*Débrouille-toi, c'est ton idée, j'en ai rien à battre*

Non, en fait, il aurait utilisé un mot plus grossier, mais pour épargner les jeunes yeux, ce terme est plus courtois.

Bref, ce n'est pas pour parler de la cordialité de mon frangin que nous sommes ici. Mais plutôt pour raconter notre vécu, avec ce statut particulier que les hommes nous ont donné en nous faisant adopter par Tom et Louise.

Honnêtement, qu'est-ce qui est le plus important ? Le nom qu'on donne aux gens, ou les sentiments qui nous unissent ?

Roberto et moi, on n'a pas eu à choisir. C'est venu naturellement, comme tant d'autres choses qui se mettent en place sans qu'on ait besoin d'y réfléchir. 

On avait un Papa et une Maman là-bas au ranch. C'était eux qui nous élevaient et qui nous punissaient quand on était en vacances. On avait pour eux le respect et l'affection de fils. Même si on ne se voyait que 8 semaines par an (sauf les années où des événements style mariage ou communion nous réunissaient tous), ils étaient présents chaque jour. Que ce soit MarIe ou les hommes, chaque soir, après la prière, au moment de dire bonne nuit, il y en avait un pour nous faire deux gros bisous "de la part de Papa et Maman". Tout ce qu'on faisait de bien, d'important, et même les cadeaux de l'école, étaient soigneusement consignés dans une valise, qu'on ouvrait dans la chambre de nos parents, en petit comité...

Mais en dehors de ça, pour ce qui était de la vie quotidienne, notre vie se faisait à la Croix-Bleue. Comme elle était la seule fille, MarIe jouait le rôle de notre mère. C'était vers elle qu'on allait pleurer, quand on avait du chagrin, ou qu'on avait les genoux écorchés. Même si elle a toujours catégoriquement refusé qu'on l'appelle autrement que par son prénom, elle nous a traités exactement comme ses propres enfants.

On a eu peur, quand elle a marié Ibrahim, et qu'elle a annoncé à tout le monde qu'elle était enceinte de Grégoire. On a cru qu'elle allait nous laisser de côté, et tout donner à son bébé. Mais non, sur les faire-parts de naissance, il y avait nos noms qui annonçaient l'arrivée de notre frère. Rien n'a changé pour nous...

Quant aux hommes, il y en a pas un qui était plus important que l'autre. Ils ont tous été présents à leur façon. Ensemble, ils ont formé le meilleur, le père idéal, celui que tout le monde souhaite avoir. Les limites étaient claires, et aucun ne se permettait de les franchir pour nous autoriser quelque chose que les autres réprouvaient. Par contre, à l'intérieur de ces frontières, il y en avait toujours un ou l'autre pour nous accompagner, pour nous aider, ou pour glisser un ou deux francs de plus dans nos poches...

Tout cela nous a parfaitement convenu jusqu'à nos 10 ans.

Ceux du ranch sont venus pour célébrer les 10 ans de l'équipe. Et comme pour la première fois, on était là le jour de notre anniversaire, MarIe et Louise ont proposé d'inviter tous nos copains pour une grande fête...  

On était contents de pouvoir présenter nos parents, pour une fois qu'ils étaient là. Mais quand on a montré Maman, il y a un garçon, Patrick, qui s'est moqué de nous, en faisant des remarques sur son âge et sur sa couleur. Ça a fichu notre après-midi en l'air. C'était un truc qui dérangeait déjà Roberto depuis un moment, mais moi, je n'y avais jamais fait gaffe. Ce n'était pas le fait qu'ils aient pas la même couleur que moi qui m'a dérangé le plus, mais qu'ils aient l'âge d'être mes grands-parents...

Cette journée a été un peu le début de mon adolescence. Depuis ce 4 juillet, et jusqu'à ce que je finisse mon apprentissage, j'ai souhaité pouvoir régulariser la situation, et appeler MarIe "Maman". Roberto aussi en parlait de temps en temps, quand on remontait de l'école à pieds, et qu'on changeait le monde. Mais jamais ça ne s'est produit. A chaque fois que je parlais de ça, on recevait un beau sermon concernant le fait que Tom et Louise seraient trop blessés et malheureux si on arrêtait de les considérer comme nos parents, et aussi que les noms donnés aux gens comptaient moins que l'amour qu'on avait pour eux.

Et maintenant que je suis père, que Roberto et moi on a vieilli, en voyant John, Bill et Polly considérer Elisabeth comme leur mère, on comprend que ce qu'on a vécu, eh ben, c'était peut-être pas ordinaire, mais que ça n'avait aucune importance, puisqu'on avait reçu plus d'amour et d'attention que quiconque, que ce soit au XXe ou au XIXe...
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