Elle leva son beau visage brun vers les garçons, mais son regard demeura fixé sur Wata.
- Je vous remercie, amis étrangers, dit-elle doucement. Anémone-Bleue est ma soeur. J'ai ramassé ces fleurs en reconnaissance du service que vous lui avez rendu.
Elle les tendit à Wata, effleura du regard Davy et, plus légère qu'une ombre, s'éloigna en direction du village.
Immobile au milieu du chemin, Wata, les fleurs dans la main, semblait perdu dans quelque douce songerie...
- C'est Pocahontas, dit-il finalement d'une voix étrange.
- Mais... vous ne vous connaissez pas...
- Est-ce qu'Ecureuil-Blanc n'a jamais entendu parler de Pocahontas, la fille du grand chef Pawatan ?
- N'est-ce pas lui qui a fait prisonnier le capitaine anglais Smith ?
- Oui, en effet.
- Wata, cela est arrivé en 1600. Il y a quelque deux cents ans. Cette jeune fille ne peut pourtant pas être...
Wata regarda Davy. Un tendre sourire éclairait son visage.
- Wata va t'expliquer. Lorsqu'un Indien voit une très jolie fille de sa propre race, il l'appelle Pocahontas en souvenir de la plus belle Indienne qui ait jamais vécu. Et la soeur d'Anémone-Bleue est jolie, très jolie...*
(Davy Crockett et son ami Wata, Tom Hill)
Pocahontas...
Comment en parler sans raviver la blessure que son départ a causé à tout le monde, et surtout à son mari pour qui elle restera toujours la seule compagne ?
Merveilleusement belle, racée, intelligente, courageuse, discrète... les superlatifs manquent pour décrire toutes les qualités de cette jeune femme qui a voué sa vie au bien-être de son mari et de ses enfants... pour exprimer l'amour et la vénération qu'elle portait à celui qui l'avait choisie.
D'un esprit ouvert, libre, et aventurier, elle avait réussi à s'adapter extraordinairement bien à la folle existence du XXe siècle, mieux encore que Wata lui-même. A chaque visite à la Croix-Bleue, elle s'était montrée fascinée par toutes les merveilles de la technologie, profitant sans retenue de toutes les facilités de cet univers, et ne refusant aucune expérience nouvelle. C'était un bonheur de la voir s'extasier devant de tous petits riens, banaux pour nous mais magiques pour elle.
Mais dès que sa famille regagnait sa tribu, elle retrouvait sans peine son rôle de femme de chef, mère de deux enfants pour lesquels elle se serait laissée couper en morceaux. C'était auprès d'elle que Wata trouvait force et conseils avisés pour guider son clan.
Comment pardonner à ceux qui pour des raisons politiques et d'idéologie raciste, ont privé le monde entier de son rire, de sa voix claire, de ses chants, et de sa générosité ? Comment ne pas se révolter devant la détresse de Wata, seul pour accompagner son âme et celle de ses enfants sur le chemin du terrain des chasses éternelles ?