Terry Malloy

Salut, moi c'est Terry. Pur produit de la rue New yorkaise...


Il fut un temps où j'étais un des deux plus jeunes de l'équipe... et me voilà cinquantenaire ! Quelle foire on a fait cette année pour fêter ça ! Enfin, je devrais plutôt mettre ça au pluriel. La Croix-Bleue, le Ranch... à chaque fois ça a été mémorable.

Non non, faut pas croire, je me suis calmé avec l'alcool, mais là, c'était trop tentant. Et puis, c'est pas tous les jours qu'on fête son demi-siècle.

Pourquoi je dis que je me suis calmé avec l'alcool ? Demandez à MarIe, ou à n'importe lequel des hommes, ils pourront tous vous dire qu'un temps, j'allais pas fort. Chaque fois qu'on sortait, je cherchais qu'une chose : à me bourrer la gueule.

Faut dire que j'avais des excuses. Des problèmes et des coups durs, j'en ai eu plus que la moyenne.

Déjà, à la mort de notre père, mon frère Charley et moi, on a été placés en institution. Franchement, les dortoirs, les toilettes à l'eau froide devant un lavabo de métal, et les douches hebdomadaires avec gant de crin obligatoire, ça forge peut-être le caractère, mais ça contribue pas à passer des nuits douces et tranquilles après.

Mais bon, j'ai quand même réussi à m'en sortir. Entre temps, mon frangin a fait des études, et il s'est mis en cheville avec Johnny Friendly, le parrain du port marchandises. Tout naturellement, Johnny m'a pris avec lui. Il m'a embauché pour l'aider à faire son boulot, et avec ça, j'ai pu me payer un appart, des cours de boxe.

Ah la boxe ! J'étais bon, ça oui. Si j'avais été mieux entouré, j'aurais pu faire une belle carrière. C'était bien parti, j'avais déjà remporté plein de combats... j'étais en route vers le titre. Mais pour rendre service à Johnny, j'ai bien dû accepter de me coucher... et ça a été fini de mes rêves de gloire.

Après il y a eu la mort de Joey. J'y ai participé malgré moi. En fait, je croyais que les mecs allaient juste le secouer un peu, pour lui enlever l'envie de témoigner des magouilles qui se passaient sur le port, mais non, ils l'ont poussé du toit. Ca m'a vraiment chamboulé le cerveau. L'Abbé Barry a dit que c'était ma conscience qui se réveillait. Moi, j'en sais rien.

Tout ce que je sais, c'est qu'après, j'ai rencontré la soeur de Joey, et que ma vie a basculé. Pour elle, pour ma blonde et tendre Edie, j'ai eu envie de devenir un type bien. Je voulais qu'elle au moins, elle me traite pas comme un tocard... C'est pour elle que j'ai accepté de vider mon sac au procès. Et c'est aussi pour venger Charley, que Johnny a fait assassiner pour me dissuader de témoigner...

Enfin bref. Sans cette histoire, je me serais jamais retrouvé à la Vallée. J'aurais jamais rencontré Sam et les autres, et surtout, Edie ne m'aurait peut-être jamais aimé, mais au moins elle n'aurait pas été tuée alors qu'elle avait quitté le ranch où on se cachait, pour aller soigner son vieux père tombé malade...

C'est pour elle, pour la venger, pour que ce genre de truc n'arrive plus jamais que j'ai écouté Oscar, et que j'ai bien voulu faire partie de l'équipe. Je croyais que c'était une question de semaines, qu'on bazarderait tout, et que je pourrais reprendre mon boulot sur les dock, comme dans un film... 

C'était il y a un peu plus de 30 ans, et c'est toujours pas fini... mais on a oublié pourquoi on s'était regroupés. Ce n'est plus du tout l'important maintenant.

J'ai eu de la peine à m'y faire, à cette vie. Les communautés, c'était pas mon truc. Et puis la campagne en plus... Mais bon, c'était parce que je connaissais rien de tout ça, que j'avais que des mauvais souvenirs. Ici, grâce à tous mes potes, à Louise, à MarIe, aux gosses, j'ai pu découvrir ce que c'est qu'une famille. J'ai réappris à pouvoir compter sur les autres, à faire confiance, alors qu'avant, même avec mon frangin, j'avais toujours peur d'être baisé quelque part...

Que voulez-vous que je vous dise d'autre ? Que mon seul regret, c'est qu'Edie ne soit pas avec moi. J'aurais tant voulu que nos gosses bien à nous grandissent dans ce paradis, au milieu de tous ces petits... Elle est et sera toujours la seule femme que j'ai aimée.


Allez, maintenant que je me suis bien fait chialer, je laisse la place. Excusez-moi d'avoir été si long... et aussi merci de m'avoir écouté. A une prochaine.